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ADMINISTRATION

Même si vous ne vous voyez pas de cette façon, un-e chorégraphe est, presque inévitablement, un-e employeur-euse. Même si votre processus artistique est très collaboratif ou non hiérarchique, même si personne n’est payé, en tant qu’initiateur-rice d’un projet, vous aurez certaines responsabilités administratives. Bien que ces tâches puissent sembler accablantes au premier abord, elles constituent une partie importante du processus, et elles deviendront plus faciles avec le temps et la familiarité.

Pour les artistes qui participent à leurs premières productions, il n’est pas recommandé de se constituer en compagnie. Cela implique un travail administratif et un protocole juridique, et il y a peu d’avantages. Il est toutefois important de déterminer une structure d’exploitation pour chaque production particulière et de s’y engager. Quelle que soit la structure que vous choisissez, il est important de la comprendre et de l’assumer. Définissez et respectez les droits et les responsabilités que les titres vous confèrent, à vous et aux membres de votre équipe. Comprendre comment vous travaillez est une première étape importante pour vous organiser.

Il est important de signer un contrat avec chaque collaborateur-rice impliqué-e dans votre production. Un contrat vous permet de clarifier les responsabilités pour chaque rôle, d’élaborer un échéancier de travail et d’indiquer clairement le paiement auquel chaque personne peut s’attendre. Il peut être tentant de sauter ou de reporter cette étape lorsque vous travaillez avec des ami-es sur un projet pour lequel il y a peu ou pas de paiement. Cependant, le processus de négociation et de rédaction d’un contrat permet à chacun-e de comprendre clairement son rôle dans le processus de création, et peut contribuer à éviter les malentendus et les conflits potentiels par la suite. Assurez-vous d’inclure ces minimums :

  1. les noms et adresses des deux participant-es (l’un-e demandant le service, c’est-à-dire le ou la chorégraphe, et l’autre fournissant le service, c’est-à-dire un-e danseur-euse, un-e concepteur-rice, etc.)
  2. le service rendu;
  3. le nom de la production et les dates pertinentes (représentation, répétition, montage, etc.);
  4. la transaction monétaire : combien, comment et quand;
  5. ce qui se passera si l’une des parties est incapable de respecter le contrat;
  6. toute condition supplémentaire ou clause spéciale;
    les signatures datées de chaque partie, dans la ville de…

Il est important de noter qu’au Québec, les contrats doivent être rédigés en français, à moins que les deux parties ne conviennent de rédiger le contrat en anglais.

Conseil : Utilisez un contrat existant comme modèle. Les membres du RQD ont accès à un modèle de contrat ainsi qu’à un guide de négociation de contrat. La Machinerie fournit également des modèles de contrat dans leur boîte à outils. Parmi les autres références, mentionnons les Normes professionnelles pour la danse de la CADA de l’Ontario, l’entente de base sur la danse de la CADA de la Colombie-Britannique, ainsi que les Outils de négociation pour artistes du Réseau CanDanse.

Il n’y a pas de norme établie pour les salaires professionnels des danseur-euses au Québec. Cependant, de nombreux chorégraphes choisissent d’utiliser les salaires recommandés par la CADA de l’Ontario comme ligne directrice pour établir leur budget. À compter de 2022, le salaire horaire recommandé pour les répétitions est de 30 $/h pour un-e danseur-euse débutant-e et de 40 $/h pour un-e professionnel-le expérimenté-e. Les honoraires de performance recommandés sont de 100 $ à 250 $ par performance. Les honoraires des concepteurs-rices varient en fonction du rôle, de l’expérience du concepteur-rice et de la taille du projet, mais se situent souvent entre 500 $ et 3 500 $.

Comme les Conseils des arts financent rarement les premières œuvres d’un-e artiste en début de carrière, ceux qui en sont à leurs débuts n’ont généralement pas les moyens de payer les sommes mentionnées ci-dessus. Il se peut même que vous ne puissiez rien payer du tout. Cependant, si vous débutez, vous travaillerez probablement avec d’autres jeunes artistes qui ont besoin d’occasions de développer leurs propres compétences et d’acquérir de l’expérience professionnelle. Au début de votre carrière, bon nombre de vos pairs estimeront que la valeur de participer à un projet et d’apprendre ensemble est suffisante. Le troc peut également être une possibilité : vous pouvez travailler sur le projet de quelqu’un d’autre et, en échange, cette personne vous aider avec le vôtre. Le plus important est d’être franc-he lorsque vous discutez de votre projet avec des collaborateur-ices potentiel-les. Précisez clairement le temps que vous demandez et ce que vous êtes en mesure d’offrir en échange.

La Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) est l’organisme gouvernemental au Québec qui administre les demandes d’indemnisation des travailleur-euses. Même si vous n’êtes pas rémunéré-e, vous êtes légalement tenu-e d’ouvrir un dossier auprès du CNESST et de verser des cotisations au fonds d’indemnisation des accidents du travail. Si un-e interprète se blesse pendant une répétition avec vous, il ou elle a le droit de faire une réclamation et peut recevoir une compensation monétaire pour la perte de salaire pendant qu’il ou elle est blessé-e, ainsi que des services thérapeutiques. Bien que le processus d’ouverture d’un dossier et de paiement de votre contribution puisse être un peu bureaucratique et intimidant, il est également très peu coûteux. De plus, que vous ayez ou non ouvert un dossier, un-e interprète blessé-e a toujours le droit de faire une réclamation. Si un-e interprète travaillant avec vous fait une réclamation et que vous n’avez pas déjà un dossier actif, les sanctions financières peuvent être sévères.

Conseil : Soyez diligent-es avec la CNESST car les sanctions financières sont élevées de façons générale.

Conseil : Les organismes de service comme le RQD peuvent vous aider à ouvrir un dossier au CNESST. 

Un budget comporte deux éléments : les revenus et les dépenses, ainsi que les totaux de chacun de ceux-ci qui doivent être équilibrés. Les budgets passent par plusieurs ébauches, de l’estimation initiale au budget final. Les dépenses fluctuent en fonction de votre capacité à prévoir les dépenses et de l’exactitude de vos estimations. Le revenu varie selon que vous recevez vos subventions, le montant de vos frais de diffusion ou, dans le cas d’une auto-diffusion, de la vente de billets. Vous devriez préparer deux budgets dès le début : l’un étant le pire scénario, l’autre étant le meilleur scénario (planifiez pour les deux).

Il n’est jamais facile de prédire les revenus. Ne comptez sur aucune subvention ou aucun financement privé jusqu’à ce qu’ils soient confirmés. Ayez toujours un plan B. Si vous vous auto-diffusez, ne vous attendez pas à des revenus élevés provenant de la vente de billets. Il est d’usage d’estimer que 40 % des billets seront vendus. Calculez le (nombre de places) X (nombre de spectacles) X (prix du billet) X (0,40) pour calculer ce montant. Évaluez vos efforts de collecte de fonds trois semaines avant la première. Il est peu probable qu’il puisse se passer beaucoup plus de choses dans la période qui reste, alors il est bon d’ajuster votre budget en conséquence à ce moment-là.

Un budget réaliste et équilibré est un élément essentiel de votre projet. Obtenez une rétroaction sur votre budget de la part d’un-e ami-e, d’un-e mentor-e ou d’un-e professionnel-le.

N’oubliez pas qu’en tant qu’artiste indépendant-e, tous les revenus liés à votre projet, y compris les subventions, les cachets d’artiste et la vente de billets, sont considérés comme un revenu imposable. Assurez-vous de conserver tous vos reçus et de trouver un comptable qui connaît bien les arts de la scène pour vous aider à produire correctement vos déclarations de revenus.

Conseil : La Machinerie a des modèles de budget téléchargeables dans sa boîte à outils.

La gestion des ressources humaines n’est pas une tâche facile; il s’agit de maintenir un équilibre entre donner des directives claires et faire confiance à vos collaborateur-ices pour prendre des décisions. Il est essentiel de respecter les gens avec qui vous travaillez, d’être clair-e dans vos attentes et de respecter les limites de chaque membre de l’équipe. Quel que soit le caractère collaboratif ou non hiérarchique de votre processus artistique, vous, en tant que chef-fe de projet, avez la responsabilité d’assurer un environnement de travail physique et psychologique sûr pour vos collaborateur-ices.

Offrir un environnement physiquement sûr signifie s’assurer que vos espaces de répétition et de représentation ne présentent pas de danger pour les interprètes (comme une chaleur ou un froid extrêmes). C’est aussi respecter les limites physiques de vos interprètes et ne pas les contraindre à exécuter des mouvements qu’ils ou elles jugent trop dangereux ou douloureux.

Offrir un environnement psychologiquement sûr signifie avoir une politique de tolérance zéro pour le harcèlement sexuel ou psychologique. C’est aussi trouver des moyens équitables de résoudre les conflits qui peuvent surgir au cours du processus de création et de production. Si votre chorégraphie peut comporter de la nudité, des thèmes sexuels ou de la violence, vous devriez en informer les interprètes à l’avance et leur donner le temps de fixer leurs propres limites ou de se retirer du processus.

Planifiez des séances de rétroaction dans votre horaire et communiquez régulièrement avec votre équipe. Si un-e membre de l’équipe exprime un malaise ou une insatisfaction, essayez d’écouter attentivement sans vous mettre sur la défensive. Si vous avez besoin d’aide pour résoudre un conflit, essayez de discuter avec un tiers neutre en qui vous avez confiance.

La dynamique du pouvoir entre le ou la chorégraphe et le ou la danseur-se et les préoccupations éthiques connexes sont des enjeux en évolution dans notre domaine. Le RQD a plusieurs articles sur le sujet dans la section « Ressources humaines » de son site Internet.